Avant, la politique était simple : il y avait la droite, et la gauche. Les forces de la conservation, et les forces du changement. Un antagonisme stimulant pour la société française, qui a ainsi avancé au gré de ses besoins, ou désirs, ou illusions. Aujourd’hui, tout s’écroule : le couple politiques/médias s’enfonce dans la mouise tout en augmentant la répression et la propagande, tandis que les Français gagnent en conscience. Y aurait-il un rapport ? La force du système politico-médiatique était-elle le produit de notre ignorance ?
Un Président courageux
On a beau ne pas être socialiste ou première dame potentielle, on ne nous empêchera pas de penser que notre Président, François le Bienheureux, résultat d’un pari entre Minc, BHL et Attali après une soirée arrosée de longs traits de coke (la boisson, pas la drogue) et un éclat de rire otanesque, fait montre d’un courage peu courant.
On sait tous que la situation du pays n’est aucunement de sa faute, et qu’il est là uniquement pour endosser le péché. Nos péchés. Cette bonne poire est vraiment le bouc émissaire national idéal, ce qui étonne de la part du Peuplélu, dont le Dieu a théoriquement banni la pratique, son peuple ayant justement par le passé subi cet injuste ostracisme à de trop nombreuses reprises. On dirait que le Bienheureux est là pour faire la transition avec l’homme à poigne que tout le pays attend. De l’homme à poignées (d’amour) à l’homme à poigne. Un accélérateur de Valls, en quelque sorte. Hollande, c’est le sous-off dévoué : traité comme un moins que rien par ses supérieurs, il se prend la colère populaire en pleine poire. Il est là pour se charger de mécontentement, et se faire jeter. Un truc classique, sous la Ve république, sauf que là, c’est monté d’un cran, du Premier ministre fusible au Président, et ça prend des proportions rarement atteintes. Le concept de roi a été totalement démonétisé par la vraie clique au pouvoir. Celui qui devait être au-dessus de tous, unifier et rendre fière la Nation, est tombé en disgrâce, devenant pantin national, malsaine attraction foraine. Tout le monde lui balance son coup de pied au derche, même les mômes, et son sourire bonhomme de souffre-douleur extatique fait peine à voir. On aimerait qu’il renvoie l’image de la confiance et de l’énergie ; au lieu de ça, la presse aux ordres nous le désigne comme le Grand Coupable.
FOG, poignardeur de blessés
- Hé, t’as oublié ton poignard !
Dans la Grande Armée de Napoléon, il y avait une brigade de « nettoyeurs », qui égorgeait les blessés du camp adverse après la bataille et terrorisait les survivants. Philippe Torreton a brillamment incarné le capitaine Conan, à la tête d’un corps franc en 1918 qui crevait l’ennemi bulgare puis soviétique au couteau, en « foutant la verte à tout le régiment ».
Aujourd’hui, Franz-Olivier Giesbert poignarde Jean-François Copé, qui avait déjà trois genoux à terre. Quand on jette un œil sur le parcours du Franzo, on remarque qu’il a toujours servi les puissants en grâce, et achevé les puissants en disgrâce. Magnifiant Chirac lorsqu’il terrassa Balladur et sa bande en 1995, avant de le démolir dans sa Tragédie du président. Dans ce livre daté de 2006, Nicolas Sarkozy sera curieusement épargné… le temps de son quinquennat. C’est en 2011 qu’il prendra son coup de poignard, avec M. le président : Scènes de la vie politique (2005-2011). Où ses « petitesses et ses ridicules » l’emporteront sur « ses grandeurs ». Quelle prescience ! On eût aimé un petit coup de canif du temps de la splendeur, et un soutien courageux pendant la chute…
- La philo, elle est trop bonne
Peut-être qu’avec Hollande, Giesbert découvrira la grandeur d’âme. En tous les cas, le retraité du Point aura laissé quelque chose d’essentiel à la postérité : non, pas ses éditos barbants, ni ses bouquins pompeux, mais la beauté éclatante de ses chroniqueuses télé. Là, clap clap, on applaudit des deux mains, comme l’otarie du cirque Bouglione, honk honk. La vache, quel défilé de bimbos ! De la bimbo, oui, mais de l’intello. C’est encore meilleur, sachant le drame que les affres de l’amour provoquent chez l’intellectuelle, qui plus est fortement désirée par les mâles…
Pour éviter que ce papier ne tombe dans le people graveleux qui ne manquera pas de se faire reprendre de volée en commentaires, voici une page oubliée d’Histoire, celle de la guerre française en Espagne (1808), qui illustre le sort réservé aux soldats de Napoléon, suite aux exactions des « acheveurs de blessés » :
« Le commissaire des guerres Vosgien est scié en morceaux. Un autre commissaire, qui voyage avec sa femme et leur jeune enfant, est capturé par les guérilleros : “Après avoir traité cette dame avec la dernière indignité, en présence de son mari, les scélérats, pour prolonger l’agonie de leurs victimes, les enterrèrent vivantes, la tête hors de terre, en exposant au milieu d’elles leur enfant éventré.” »
Prions pour que FOG ne se fasse pas choper par la Résistance !
Le 25 mai 2014 : un jour sombre pour la démocratie
- Big Sister is warning you
Le soir de la victoire européenne (ou antieuropéenne) du FN, un nouvel Austerlitz pour Le Pen, Pujadas et Delahousse mènent le débat sur France 2 avec les journalistes Giesbert, Szafran, Polony, Schuck, Saint-Cricq et Lenglet. Il est question d’un « jour sombre », qui rappelle les heures les plus sombres à Maurice Szafran, viré du poste de PDG de Marianne pour salaire indécent et recasé au Magazine littéraire. On va comprendre pourquoi. Échanges de la 150ème à la 154ème d’une émission qui dure 165 minutes.
Laurent Delahousse : « Ils n’ont rien entendu du peuple français depuis des années ?
Natacha Polony : – Il y a eu le 29 mai 2005 un avertissement absolument énorme. Symboliquement c’est le moment où on a découvert la fracture majeure entre le peuple et les élites, c’est-à-dire pas seulement les politiques : les politiques, les médias, enfin il faut se souvenir ce que c’était ! 90 % des éditorialistes qui faisaient campagne pour le oui, alors que le peuple a voté non à 55 %. On en est toujours là. Pasque quand on écoute les discours ce matin, euh ce soir, qu’est-ce qu’on entend ? On entend Jean-Christophe Cambadélis qui explique c’est un jour sombre pour la démocratie, on entend Manuel Valls qui explique que il faut un sursaut républicain, enfin, on n’a pas 25 % de fascistes en France et Dieu merci, heureusement ça n’est pas ça, ça n’est pas ça du tout, on a simplement des Français, une partie du peuple français qui a l’impression qu’on lui impose depuis des années une politique dont il ne veut pas, et c’est vrai dans d’autres pays d’Europe. On peut appeler ça populisme si on veut, la démocratie est-elle populiste ? Non. Tout démocrate doit considérer que ce qu’il veut c’est le bonheur de la majorité.
David Pujadas : – Il y aura un avant ou un après ou bien tout passe, tout lasse, et ça continue ?
Polony : – Il y aura un après pourquoi, parce que le Front national ne va pas être en condition de gérer quoi que ce soit. Là il fait 25 % mais il va continuer à monter ! Pourquoi ? Parce qu’il ne sera à aucun moment en responsabilité et confronté à la réalité, donc on risque aux prochaines élections de voir s’amplifier le phénomène et ce, d’autant plus que les politiques visiblement pour l’instant n’en tirent pas les conclusions…
- Y en a que ça fait rire, les jours sombres ?
Maurice Szafran : – Je ne comprends pas bien pourquoi on n’aurait pas le droit de dire ce soir que c’est un jour sombre pour la démocratie. C’est évidemment un jour extrêmement sombre pour la démocratie. Et même si y avait 35 % des Français qui avaient voté pour le Front national ça n’en serait pas moins un jour extrêmement sombre pour la démocratie !
Laurent Delahousse : – Pour quelle raison ?
Szafran : – Ben pasque, il faut, un tout petit peu de mémoire historique, un tout petit peu, on sait quelles sont les racines historiques, idéologiques, culturelles du Front national, on ne va pas rentrer dans ce débat-là.
Natacha Polony : – Il n’y a pas 25 % de Français qui adhèrent à ça !
Szafran : – Est-ce que j’ai dit ça ? J’ai dit que c’était un jour sombre pour, 25 % des Français on voté pour de bonnes ou de mauvaises raisons, pour un parti qui n’est pas populiste, qui est autre chose que populiste, qui est un parti d’extrême droite aussi !
David Pujadas : – Nathalie Schuck, un jour sombre ?
Nathalie Schuck, grand reporter politique au Parisien : – Oui un jour sombre évidemment parce que ça fait quand même deux fois en 12 ans très exactement que la France se retrouve sous les feux de l’actualité comme parti qui porte le FN à un niveau très très haut, le 21 avril 2002 Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de la présidentielle c’est commenté partout en Europe, sur CNN, évidemment que c’est un jour sombre. Si vous faites les calculs aujourd’hui on estime donc qu’un quart des électeurs qui sont venus voter se sont portés sur le Front national, ça veut dire si on prend le taux d’abstention, ça veut dire un électeur sur huit en France, c’est colossal. »
No comment, à part le fait qu’évoquer « un jour sombre », c’est tout simplement choisir son camp. Ces personnes, Schuck, Giesbert et Szafran, ne sont donc pas (ou pas seulement) des journalistes. Alors qu’est-ce qu’ils faisaient là ? Comment les appeler ?
La fosse entre élite et peuple s’élargit
- Ces personnalités sont inquiètes. Saurons-nous les rassurer ?
Le plateau de France Télévisions était là pour faire culpabiliser le téléspectateur-électeur, provoquant ainsi encore plus de ressentiment, déjà à l’origine du fort dévote (abstention) et de la poussée du FN. Têtus, les propagandistes. Notre élite politico-médiatico-people n’a apparemment aucune idée de ce qui se passe. Pendant que Szafran, Giesbert et Schuck, après le plateau composé de Ferry, Weber et Lévy (Marc), discutent de leur choc électo-émotionnel respectif en infligeant une énième leçon de démocratie au peuple visiblement non-souverain, on aperçoit Marion Maréchal Le Pen, entourée de photographes, sourire comme une star. La veille, le Festival de Cannes, boycotté par les téléspectateurs, livrait ses lauréats, et tout le monde s’en foutait.
Un monde s’éteint, un autre s’éveille. L’élite auto-congratulatoire et consanguine est devenue le générateur de vote FN le plus efficace. Ce n’est plus seulement le haut niveau de délinquance, produit des déculturations pédagogique et médiatique couplées avec la pauvreté due au chômage industriel (ouf) qui fait voter FN, mais le visage confit de supériorité d’une classe dominante qui ne maîtrise plus rien. Le fouet ne fait plus mal. À deux pas de la fosse, ils donnent encore des leçons de démocratie, en menaçant tous les récalcitrants. Mais les pauvres et les dominés ne détestent pas la démocratie, ni la domination, quand elle a une vision et un sens (de Gaulle, Chavez), ils détestent la domination déguisée en démocratie. C’est comme la presse : le public ne déteste pas le papier, mais le paquet de conneries et mensonges qu’il y a dessus. La propagande c’est un restaurant où des serveurs dans un blanc éclatant serviraient des plats infects à des clients qui seraient obligés de trouver ça bon, au risque de se faire jeter et de ne plus manger. C’est la merde ou la mort. Bon ben… la mort !
Un calcul basé sur la certitude que le FN ne peut gagner seul
Le socialisme, c’est plus de liberté : Taubira va vider les prisons avec la fin des peines plancher. Qui seraient inefficaces contre la récidive. Soit. Les « études » le disent. Mais plus (+) de violences contre les personnes égale plus de mécontentement populaire, et donc plus de vote FN, loi électorale inscrite dans l’airain, désormais. On ne peut pas imaginer que Hollande puisse imposer une mesure aussi impopulaire sans une petite arrière-pensée calculatoire.
- Une liaison trop tôt dévoilée
Le FN va donc encore monter, dixit Polony, l’UMP se fendre en deux, entre centristes démocrates hollando-compatibles (et tout le blabla sauvons la république, c’est-à-dire la clique au pouvoir qui a piqué ce nom), et une frange plus dure, qui s’alliera avec le Diable (on reprend leur vocabulaire, n’est-ce pas).
Avantage : Hollande se débarrasse de son aile gauche, pénible avec ses récriminations incessantes (le chômage, les patrons, le niveau de vie, la pollution, toutes ces balivernes), et gagne sur sa droite les nouveaux socialo-compatibles. Ségolène avait juste 10 ans d’avance quand elle dragua Bayrou en 2007… Le calcul revient donc toujours à faire monter les deux extrêmes, afin de tuer la droite d’alternance qui, il est vrai, ne présente plus beaucoup de différences avec la gauche d’alternance. Il devrait émerger un centrisme augmenté des pans de fausse gauche et de fausse droite, le Parti Unique de l’Alternance (le PUA), qui gagnera à coup sûr, à moins que les extrêmes ne s’allient, dans une sorte de pacte germano-soviétique, une embrassade Hitler-Staline, si l’on veut. Ce qui n’est pas prêt d’arriver, donc François Hollande est un génie.
Sauf que c’est arrivé en Allemagne, il y a 80 ans : les communistes, sûrs de leur force, ont regardé les nazis écraser l’opposition sociale-démocrate prise en sandwich… pour se faire écraser à leur tour. Comme 10 ans plus tard l’Armée rouge, l’arme au pied, regardera les insurgés polonais se faire laminer par la Wehrmacht dans une Varsovie en flammes. On espère qu’on ne retrouvera pas François Hollande dans un camp de concentration pour ennemis du peuple.